Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/FLAVIO (Biondo)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 14 page 203 à 204

FLAVIO (Biondo)


FLAVIO (Biondo) ou BIONDO (Flavio). Les biographes sont incertains de savoir lequel de ces deux noms est celui de famille et lequel est le prénom du savant qui les a portés dans le 15e siècle. D’un côté, son inscription sépulcrale, les Annales de Forli sa patrie, citées par Muratori, et plusieurs lettres du savant Philelphe, son contemporain, l’appellent Biondo Flavio ; de l’autre, Palmieri, dans sa Chronique, Paul Jove, dans ses Éloges, Alberti, dans sa Description de l’Italie, Joseph Scaliger et quelques autres auteurs le nomment 0 Flavio Biondo. Tiraboschi, en adoptant la première opinion, déclare qu’il ne fera point la guerre à ceux qui sont de la seconde. Nous ne sommes pas plus disposé à la faire à ceux qui pensent comme lui ; cependant, quoique nous ayons d’abord été de son avis sur ces deux noms, comme le prouve la place même que nous leur avons réservée dans l’ordre alphabétique, nous avouerons que nous avons là-dessus un scrupule aussi fort qu’on en puisse avoir sur un pareil sujet. C’est en latin que cet auteur a toujours écrit, et ses noms latins sont Flavius Blondus. Quelque nom de saint qu’il eût reçu au baptême, on voit qu’il le changea en entrant dans la carrière des lettres pour le nom romain Flavius, selon l’usage de son temps ; mais Blondus n’est point un nom latin, et ne peut être que le nom italien Biondo latinisé. Notre auteur avait un frère nommé Matteo Biondo, qui était abbé de Ste-Marie de la Rotonde ; et il dit lui-même de ce frère, dans un de ses ouvrages : Prœestque illi monasterio abbas Mattœus Blondus nobis frater germanus, enfin, ses descendants ont porté le nom de Biondo, et non celui de Flavio. On a aussi prétendu qu’il était de la famille des Ravaldini, l’une des plus distinguées de Forli ; Apostolo Zeno, dans ses notes sur la Bibliothèque italienne de Fontanini, est lui-même de cet avis. Tiraboschi permet bien qu’on en soit, mais il avoue qu’il n’en voit pas de preuves assez certaines ; et c’est encore un doute qu’on peut partager avec lui. Quoi qu’il en soit, Flavio Biondo naquit à Forli en 1388. Il apprit la grammaire, la rhétorique et la poétique du savant Jean Ballistario de Crémone. Il était encore fort jeune lorsqu’il fut envoyé à ’ Milan par ses concitoyens pour traiter de quel-. ques-unes de leurs affaires ; et ce fut alors qu’ayant trouvé le manuscrit unique du dialogue de Cicéron De claris oratoribus, il en fit de sa main une copie qui, envoyée à Vérone et ensuite à Venise, répandit cet ouvrage dans toute l’Italie. Biondo se préparait à partir pour Rome en 1450, lorsque Francisco Barbaro, noble vénitien qui avait pour lui beaucoup d’estime, ayant été nommé préteur de Bergame, lui offrit la place de son chancelier, qu’il accepta. Il se rendit à Rome sous le pontificat d’Eugène IV et lui fut si bien recommandé, que ce pape le choisit, peu de temps après, pour son secrétaire. Eugène l’envoya en 1454, avec l’évêque de Recanati, en ambassade à Florence et à Venise, pour demander des secours à ces deux républiques ; sa mission y obtint peu de succès, mais il en eut lui-même un très-grand ; il se vit accueilli partout avec empressement, et reçut même à Venise le titre de citoyen pour lui et pour ses descendants. Il était pour la seconde fois à Florence en 1441, sans doute avec ce même pape qui y résidait depuis quelques années. Pendant tout le reste de la vie d’Eugène, qui ne mourut qu’en 1447, Biondo remplit auprès de lui le même emploi ; il le conserva sous ses trois successeurs, Nicolas V, Calixte III et Pie II. Il parait cependant qu’il fut calomnié par ses ennemis auprès du premier de ces trois pontifes, et qu’il en résulta pour lui une sorte de disgrâce. Il s’absenta de Rome en 1450, fit quelque séjour à Ferrare, et voulut inutilement obtenir, par le crédit de Philelphe, un emploi honnête à la cour du duc de Milan, François Sforza ; mais il retourna enfin à Rome en 1453 : Nicolas V lui fit un très-bon accueil et lui rendit toute sa confiance. Dans cette place, qu’il occupa si longtemps, il aurait facilement fait sa fortune, s’il avait pris l’état ecclésiastique ; mais il était marié. Content de laisser à ses cinq fils une éducation soignée et de les avoir formés aux sciences, il partagea le peu de biens qu’il avait pu amasser entre ses filles, pour leur servir de dot. Ses fils portaient les prénoms d’Antoine, Gaspar, Jérôme, Julien et François, et tous cinq le nom de Biondo. Magnam spem, dit-il lui-même. Dei munere constitutam videmus in quinque BIONDIS natis nostris qui literis omnes pro aetate sunt pleni (Ital. illustr. Region., t. 6, p. 348. Ce passage nous parait laisser peu de doute sur la question de savoir si c’était Florio ou Biondo qui était son nom de famille. Il mourut à Rome le 4 juin 1463, âgé de 75 ans, laissant plusieurs savants ouvrages qui ont été recueillis et publiés ensemble à Bâle en 1531 et réimprimés en 1559, In-fol. 1e le long séjour qu’il fit à Rome et l’examen attentif des restes innombrables d’antiquité, dont cette capitale du monde était remplie lui firent concevoir l’idée de publier une description, la plus exacte qu’il lui serait possible, du site, des édifices, des portes, des temples et des autres monuments de l’ancienne Rome ; c’est ce qu’il exécuta dans un ouvrage qu’il dédia au pape Eugène IV, et qui est intitulé : Romae instauratur libri tres : ouvrage d’une érudition prodigieuse pour le temps, et dans lequel les monuments sont expliqués, pour la première fois, par les témoignages des anciens auteurs, recueillis et examinés avec un soin et une attention infatigables. La première édition de ce livre parut, selon Maittaire, à Vérone, 1482, in-fol. 2e Le gouvernement, les lois, la religion, les cérémonies des sacrifices, la milice, la guerre, les triomphes, enfin la forme entière de l’administration de la république romaine, sujet encore plus difficile, qui exigeait plus de travail et de plus longues études, et qui n’avait encore été essayé par personne, fut l’objet d’un autre ouvrage de Biondo, qu’il n’écrivit que dans les dernières années de sa vie ; il lui donna pour titre : Romae triumphantis libri decem, et le dédia au pape Pie II : le même bibliographe en cite une première édition de la même année 1482, à Brescia, aussi in-fol. 3e C’est encore à l’étude des antiquités qu’il faut rapporter l’ouvrage qu’il composa, à la demande d’Alphonse d’Aragon, roi de Naples, et qui contient, sous le titre d’Italia illustrata, le description de l’Italie entière, divisée comme elle l’était anciennement en quatorze régions, avec des recherches sur l’origine, l’histoire et les révolutions de chaque province et de chaque ville. La première Édition parut à Rome, cher J.-Ph. de Lignamine, en 1474, in-fol., par les soins de son fils Gaspard Biondo. 4e il avait entrepris un ouvrage historique d’une plus grande étendue, et qui devait embrasser l’histoire générale depuis la chute de l’empire romain jusqu’à son temps ; mais lorsqu’il mourut il n’en avait écrit que trois décades et le premier litre de la quatrième, qui furent imprimés d’abord séparément : Historiarum ab inclinatione Romani imperii ad annum 1440, decades III, libri XXXI, Venise, 1483, in-fol. Le pape Pie II (Anaeas Sylvius) fut si satisfait de ce travail, qu’il voulut en faire un abrégé, qui parut à la suite de la seconde édition : cum abreviatione Pii II, papae. Venise, 1484, in-fol. ; mais, l’abrégé ne s’étend que jusqu’à la fin de la deuxième décade. 5e Le même recueil contient encore un ouvrage sur l’origine et l’histoire de la république de Venise, lequel avait aussi paru une première fois sous le titre : De origine ac gestis Venetorum, Vérone, 1481, in-fol. La bibliothèque d’Oxford possède, dit-on, un manuscrit intitulé Blondi Consultatio an bellum vel pax cum Turcis magis expediat recip Venetae. La décision de l’auteur est pour la guerre. Ou cite aussi deux manuscrits de lui, dans la bibliothèque du Vatican, l’un ayant pour titre De expeditione in Turcas ad Alphonsum regem ; et l’autre : Decadem ad ducem Gennae. Le sujet est le même que celui du précédent, et ils tendent au même but. Les ouvrages historiques Biondo pèchent surtout par le style, qui est sec et peu élégant. Ceux qui ont l’antiquité pour objet ont le même défaut ; on y peut reprendre aussi des erreurs et beaucoup d’omissions. Rome et l’Italie furent mieux connues et mieux décrites par les antiquaires du Xe siècle, et l’ont été plus parfaitement encore dans le 18e et de nos jours ; mais Flavio Biondo entra le premier dans la carrière ; il l’aplanit, il la prépara pour ceux qui devaient le suivre, et ses ouvrages, quoique imparfaits, supposent en lui beaucoup de savoir, d’application et de sagacité.

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